structuralisme

nom masculin
(de structural) Courant de pensée des années 1960, visant à privilégier d'une part la totalité par rapport à l'individu, d'autre part la synchronicité des faits plutôt que leur évolution, et enfin les relations qui unissent ces faits plutôt que les faits eux-mêmes dans leur caractère hétérogène et anecdotique. (Le structuralisme a connu sa forme la plus complète dans l'anthropologie sociale pratiquée par Lévi-Strauss.)
En linguistique, démarche théorique qui consiste à envisager la langue comme une structure, c'est-à-dire un ensemble d'éléments entretenant des relations formelles. (Synonyme : linguistique structurale.)

Le structuralisme comme mouvement idéologiqueLe structuralisme se présente comme une théorie, voire une méthode, plus que comme une philosophie. Il s'adresse à certaines disciplines des sciences humaines et a connu dans les années 1960 un effet de mode. Certaines d'entre ces sciences, sous l'influence du positivisme, tendent à s'émanciper de la philosophie, considérée jusqu'alors comme le tronc commun des sciences humaines. Ainsi, la psychologie, marquée par le béhaviorisme et le gestaltisme, la sociologie, par le fonctionnalisme, la linguistique, qui avait déjà auparavant constitué un domaine à part s'évadent du nid de la philosophie. Ferdinand de Saussure, un théoricien hors pair, donne à la recherche linguistique une méthode d'analyse à la fois systématique et concrète qui inspirera les chercheurs d'autres disciplines.Le structuralisme français s'est développé principalement en anthropologie : il est surtout tributaire des travaux de Claude Lévi-Strauss (né en 1908), qui d'ailleurs s'est imprégné de ceux des linguistes Sapir, Bloomfield et Jakobson. Le succès de Lévi-Strauss a poussé nombre de chercheurs français à s'intéresser au nouveau mouvement et à flirter avec lui. Ce fut le cas en histoire, à la suite des travaux de Georges Dumézil (1898-1986) – notamment en référence avec la structure en trois éléments des fonctions sociales et religieuses dans la société indo-européenne – et de ceux de Fernand Braudel (1902-1985). L'école marxiste française a été également tentée de se rapprocher du structuralisme, avec Louis Althusser (1918-1990), et Jacques Lacan (1901-1981) l'introduisit en psychanalyse, en référence à sa thèse selon laquelle « l'inconscient est structuré comme un langage ».Révélateur est le propos du psychologue suisse Jean Piaget (1896-1980), selon lequel « le structuralisme est une méthode, non pas une doctrine » (le Structuralisme, 1968). Piaget rappelle que la structure est faite de trois composantes : 1° la totalité, qui lie chaque élément qui la compose à tous les autres ; 2° la transformation, qui fait que les processus de transformation obéissent à une loi externe (comme l'enfant qui passe du stade sensori-moteur au stade des opérations formelles, chaque stade constituant lui-même cette totalité, de laquelle il sort à l'étape suivante) ; 3° l'autoréglage, qui fait que les permutations dans la structure sont possibles à partir des lois qui la régissent. C'est d'ailleurs en vertu de cette définition que Piaget utilise le terme de groupe pris au sens logico-mathématique.Michel Foucault (1926-1984) est peut-être le seul qui a fait de ce mouvement un instrument de combat philosophique dans les sciences humaines, avec pour effet de vider l'humain de sa chair, en principe pour mieux le saisir. Dans les Mots et les Choses (1966), il considère la mort de l'homme et l'effacement du sujet comme le point d'aboutissement des sciences humaines ; c'est ce que permet l'optique « structurale », qui considère la structure dans tout fait humain, psychologique, social, etc., comme ayant une réalité, non tangible, certes, mais effective et rendue intelligible par l'organisation logique que suppose la structure. Foucault est à peu près seul à aller aussi loin dans cette voie.La critique du mouvement en donne une définition restrictive mais qui annonce sa fin ; par exemple Jacques Derrida (1930-2004, dans De la grammatologie et L'Écriture et la différence (1967), reproche à l'école structuraliste de suivre Saussure et de faire par là du « phonocentrisme ». Il l'accuse de privilégier dans la langue sa forme verbale et « sonore » et de mettre au deuxième plan sa forme écrite, en faisant de l'écriture « le signe d'un signe », un signe au deuxième degré. Il avait en effet compris quelles allaient être les limites de l'analyse structurale, notamment en linguistique – Chomsky s'en affranchira, signant la vraie mort du structuralisme.En dehors de la linguistique et de l'anthropologie, c'est surtout la critique littéraire, avec les travaux de Roland Barthes et de Gérard Genette, qui fera date dans l'histoire du structuralisme, les autres secteurs, comme l'histoire, la marxologie ou la psychologie ne s'y rattachant que le temps d'une mode passagère.Le structuralisme dans la littérature et la critique littéraireOn doit à Lévi-Strauss et à Jakobson une étude du poème les Chats de Charles Baudelaire ; cette étude parue en 1962 est le texte fondateur du structuralisme appliqué à la littérature. Le texte littéraire est considéré par la critique structuraliste comme une manifestation de la langue ; on l'étudie à l'aide des structures (réseaux) servant à l'analyse linguistique, qu'elles soient d'ordre grammatical, syntaxique, rhétorique, phonétique ou autre. Le texte est perçu non comme une entité unique et originale, mais comme le point de convergence de tous ces réseaux de signification. Michael Riffaterre (1924-2006) a introduit dans la pensée structuraliste la notion de stylistique, définie comme une étude linguistique des « effets du message », c'est-à-dire comme une prise en compte des effets du texte sur le lecteur (Essais de stylistique structurale, 1971). Pour Riffaterre, le lecteur a un rôle actif : il doit « interpréter » le texte. En effet, il ne s'agit pas seulement pour le lecteur de faire apparaître les différents réseaux qui le constituent, il faut aussi que ce lecteur fasse appel à sa culture et à son expérience pour faire exister le texte. Par là il ne suffit plus de considérer le texte comme un nœud de réseaux que l'on peut analyser : il devient de plus une réalité sensible, incertaine, qui n'est jamais définitive, chaque lecteur ayant de lui une vision différente.Lévi-Strauss a découvert le structuralisme avec les linguistes américains, notamment Jakobson. Il a cherché à en faire une méthode aussi rigoureuse que celle qui est à l'œuvre dans les sciences exactes. Il l'a notamment opposé au fonctionnalisme, dont les relents de finalisme lui paraissaient suspects. L'explication structurale est autosuffisante : il s'agit de partir des phénomènes pour remonter à leur structure cachée, par l'intermédiaire de modèles.La structure est définie par Lévi-Strauss comme un ensemble de rapports invariants (corrélatifs ou antithétiques) qui expriment l'organisation du système. Selon ses termes, « la notion de structure sociale ne se rapporte pas à la réalité empirique, mais aux modèles construits d'après celle-ci ». Elle n'est donc pas observable directement, mais elle constitue le réel rendu intelligible sous forme logique, le modèle. Le modèle est un système symbolique qui permet d'accéder à la structure. Certains modèles appartiennent à une catégorie strictement logique, comme ceux que Lévi-Strauss utilise dans les Structures élémentaires de la parenté (1949) ; d'autres sont constitués de simples propositions ayant entre elles des rapports d'opposition, de corrélation, ou de génération. Ce sont ceux qu'on va retrouver dans sa série Mythologiques (1964-1971). Il existe des modèles conscients et des modèles construits, supposés inconscients : les premiers sont ceux que met en œuvre le système social de chaque peuple, les seconds sont ceux que (re)construit ou retrouve le chercheur qui étudie le peuple. Le structuralisme lévi-straussien repose sur quelques principes simples : 1° le principe d'immanence, qui fait que tout objet d'étude doit être regardé comme un système clos, dans son état actuel ; 2° la primauté du tout sur les parties ; les éléments de chaque ensemble n'ont pas de signification pris isolément, mais ne se conçoivent que dans leurs rapports réciproques ; 3° la primauté des rapports entre les éléments sur les éléments eux-mêmes. Par exemple, les mythes amérindiens mentionnent un arbre comme le prunier ou le pommier. Or ils ne sont pas substituables en tant qu'arbres, l'arbre n'a rien d'un support symbolique ; l'analyse montre que c'est la fécondité du prunier qui intéresse l'Indien, tandis que dans le pommier c'est la puissance et la profondeur des racines. L'univers du mythe, du conte, est analysable en paires d'oppositions, chaque élément est un « faisceau d'éléments différentiels » ; 4° la logique binaire est au point de départ de l'analyse mythologique ; mais elle inclut la complémentarité, la supplémentarité, la symétrie, et surtout la transformation.Le structuralisme a atteint avec Lévi-Strauss un sommet de perfection qu'il ne dépassera pas ; son analyse des mythes amérindiens demeure un modèle du genre. Mais en même temps, il a signé l'arrêt de mort de ce grand mouvement : face aux sociétés figées, l'analyse structurale a montré son efficacité, mais elle paraît tout à fait insuffisante à l'égard des sociétés complexes, telles que celle dans laquelle nous vivons.
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