servagenom masculin(de serf) Cet article fait partie du DOSSIER


Le terme « servage », qui recouvre une réalité difficilement saisissable, peut se définir comme la situation juridique des personnes non libres, à partir du Xe s. dans la féodalité occidentale. Par la suite, le mot a pu s'appliquer dans le monde entier pour qualifier diverses formes de privation de liberté.
Esclaves et serfsAu Moyen Âge, liberté et servitude sont des notions relatives ; l'idée antique, reprise encore au temps de Charlemagne, selon laquelle « il n'y a rien de plus que le libre et l'esclave » ne correspond plus à la réalité médiévale. Il faut admettre que l'individu est plus ou moins non libre, plus ou moins libre. À cette première cause de confusion s'en ajoute une autre : le mot servus, qui désigne au haut Moyen Âge l'esclavage, continue à être utilisé par la suite pour désigner, parallèlement à d'autres expressions, le serf.La reconnaissance juridiqueComment les conditions de serf et d'esclave se différencient-elles ?Si l'esclave romain était considéré comme bestial, l'esclave de l'époque carolingienne est reconnu comme étant homme, pourvu d'une âme. Mais étroitement soumis à son maître, il n'a pas de personnalité juridique ; il ne peut rien posséder, ne peut se marier, ne peut faire le service militaire ni devenir clerc.En revanche, le serf a une personnalité juridique. Bien que non libre, il ne peut être vendu. De plus, il peut posséder des biens, hors du domaine ou hors de la seigneurie ; il peut également se marier.Ainsi, l'esclave est la chose du maître ; tandis que le serf a, avec son maître, des devoirs réciproques, le maître s'engageant pour sa part à le protéger.L'évolution vers le servageLe servage se forme progressivement à partir du VIIIe s., parallèlement peut-être à la vassalité. Parmi les serfs, on retrouve d'anciens esclaves qui ont vu leur condition s'améliorer, parce qu'ils ont été chasés, c'est-à-dire installés sur une tenure (une terre). Mais il y a aussi des hommes libres qui entrent en dépendance : si la couche supérieure de ceux-ci a pu, par la vassalité, atteindre à une dépendance honorable, la plupart (les plus pauvres) a glissé peu à peu dans la servitude ; ainsi, les colons, paysans libres mais attachés à leur tenure, ont perdu leur liberté.Les raisons de ce double mouvement sont à chercher dans un changement du mode d'exploitation du domaine seigneurial. L'esclave coûte de plus en plus cher et se recrute de plus en plus difficilement. Le rendement de la main-d'œuvre, très faible, ne justifie plus un tel investissement. L'esclavage n'a cependant pas complètement disparu d'Occident au Moyen Âge. La traite subsiste dans les marches septentrionales de l'Europe, dans les régions slaves, au pays de Galles. Mais les régions « consommatrices » se réduisent aux rives de la Méditerranée : Espagne musulmane, Gênes. Économiquement, l'esclavage n'y joue plus qu'un rôle marginal.L'évolution du statut du serfLes historiens français, et notamment Marc Bloch, ont longtemps pensé que certaines charges étaient spécifiques du servage : le chevage, capitation légère ; le formariage, payé par le serf qui se mariait hors de la seigneurie ; la mainmorte, droit payé par l'héritier d'un serf décédé pour obtenir une tenure qu'en droit le serf ne peut posséder. Cette vue des choses, trop systématique, ne se révèle exacte qu'au XIIIe s., avec ce qu'on appelle le nouveau servage. Jusque-là, on remarque que des libres peuvent être soumis à certaines de ces taxes. En réalité, il n'y a pas de règles, sinon celle de la variété dans le temps et l'espace.Hommes libres et serfsAu XIe s. et au début du XIIe s., la différence entre l'homme libre et le serf est floue. On relève que l'hérédité de la condition juridique du second est plus marquée, que son emprise sur la tenure est plus précaire, que les taxes (comme le chevage ou le formariage) le frappent davantage, que les corvées qui lui sont imposées sont plus contraignantes et que la taille qu'il verse au seigneur est plus forte. Bref, les différences tiennent davantage aux situations concrètes qu'à des concepts juridiques que les hommes des XIe et XIIe s. avaient beaucoup de peine à élaborer.Le nouveau servageÀ partir de la seconde moitié du XIIe s., deux facteurs nouveaux interviennent. D'une part, les chartes de franchises accordées aux communautés paysannes se multiplient, régularisant les charges qui pèsent sur les paysans et faisant disparaître l'arbitraire de leur perception. D'autre part, le renouveau de l'étude du droit romain permet de préciser le concept de servitude.Chevage, formariage et mainmorte deviennent des taxes spécifiques ; la taille, lorsqu'elle continue à être perçue de façon arbitraire, devient signe de servitude ; le seigneur développe son droit de suite pour rattraper son serf en fuite. La catégorie des serfs a des contours plus nets en même temps qu'elle s'amenuise. Les chartes de franchises collectives impliquent presque toujours affranchissement du servage ; en outre, les affranchissements individuels se multiplient.Ce mouvement s'arrête à la fin du XIIIe s. Le nouveau servage, s'il reste limité à certaines régions, demeure vivace : au XVIIIe s., on affranchit encore des serfs.Franchises et affranchissementLa distinction que l'on fait habituellement entre l'octroi de franchises et l'affranchissement est assez artificielle. L'affranchissement est l'acte, individuel, par lequel un serf accède à la liberté. La charte de franchises est concédée à une communauté. Son contenu est variable : simple codification de coutumes, elle met fin à l'arbitraire du seigneur ; elle peut, comme la charte de Lorris en Gâtinais, exempter un village d'une redevance, en l'occurrence de la taille ; allant plus loin, comme celle de Beaumont-en-Argonne, elle accorde aux villageois des prérogatives administratives ; dans certains cas, elle concède, comme pour les villes, une commune ou un consulat. Bien souvent, une charte de franchises concédée à une communauté où les serfs sont nombreux implique du même coup affranchissement du servage : c'est de cette façon que le roi et les grandes abbayes ont affranchi leurs serfs en Île-de-France, entre 1246 et 1272.Naturellement, affranchissement et franchises sont accordés moyennant finances : le seigneur abandonne des droits vexatoires pour les paysans, de peu de rapport pour lui, contre de fortes sommes d'argent.La géographie du servageLe servage n'a pas eu la même importance selon les lieux. Il est très répandu, au XIIe s., sur une bande de terres qui s'étend des pays de la Loire à l'Allemagne du Sud, en passant par la Champagne et la Lorraine ; l'Angleterre au nord, la zone qui englobe les pays de la Navarre aux Cévennes, au sud, le connaissent également. Des groupes plus ou moins compacts de serfs se trouvent en Flandres, en Île-de-France, en Aquitaine (où la condition servile est héréditaire et liée à la personne), en Bourgogne (où la servitude porte sur la terre, le serf, « homme levant et couchant », pouvant déguerpir par accord avec son seigneur et recouvrer ainsi la liberté), en Piémont et en Toscane. Mais le servage n'existe pas en Normandie, dans la majeure partie de la Picardie, en Saxe, en Lombardie.Alors que le servage disparaît d'Europe occidentale au cours de l'époque moderne, il se développe dans les pays de l'Europe centrale et orientale qui ne l'avaient pas connu jusque-là. Il ne sera aboli en Autriche-Hongrie et en Russie qu'au XIXe s. (1861, par le tsar Alexandre II).De nos jours encore, certaines formes de dépendances paysannes peuvent s'apparenter au servage, sinon même à l'esclavage (Mauritanie, Arabie Saoudite, ou paysans des grandes fazendas du Nord-Est brésilien, par exemple).
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