réalisme

nom masculin Attitude qui tient compte de la réalité telle qu'elle est : Faire preuve de réalisme dans un cas difficile.
Caractère de ce qui est une description objective de la réalité, qui ne masque rien de ses aspects les plus crus : Ce film est d'un réalisme effrayant.
Tendance littéraire et artistique du XIXe s., qui privilégie la représentation exacte, tels qu'ils sont, de la nature, des hommes, de la société.
Doctrine qui affirme que la connaissance du réel constitue le réel lui-même, que cette connaissance soit la seule réalité ou qu'à côté d'elle figure une autre réalité, l'objet auquel elle s'applique.
Réalisme magique, courant littéraire allemand — né après 1945, mêlant réalisme et psychologie (H. Kasack et E. Langgässer) — et sud-américain, à caractère politique et social (M. Á. Asturias).
Réalisme poétique, courant littéraire allemand humoristique et régionaliste (1850-1885), illustré par G. Freytag, Th. Storm, etc., qui succéda à l'esthétique romantique et à la Jeune-Allemagne.
Réalisme socialiste, doctrine esthétique, proclamée en U.R.S.S. en 1934 sous l'influence déterminante de Jdanov, qui condamne les recherches formelles ainsi que l'attitude critique de l'écrivain à l'égard de la société. (L'écrivain doit participer à l'édification de l'État socialiste. L'art doit décrire l'homme dans son travail et son combat social.)

DéfinitionsIntroduction« Réalisme » est d'origine récente. Il apparaît d'abord, semble-t-il, en Allemagne (Realismus), chez Kant et les idéalistes allemands. Schiller, disciple de Kant en matière esthétique, l'emploie dans une lettre à Goethe du 27 avril 1798 : « Il ne fait aucun doute que [les Français] sont de meilleurs réalistes qu'idéalistes, et j'en trouve une preuve victorieuse dans le fait que le réalisme ne peut pas faire de poètes. » D'Allemagne, il passe en Angleterre, où Coleridge, dont on sait la dette envers la philosophie et la poésie allemande, l'utilise dans ses Biographia literaria (1817). En France, le mot apparaît pour la première fois dans un article anonyme du Mercure du XIXe s., en 1826, à propos de critique littéraire. En 1837, d'après Gustave Planche, « le réalisme est aujourd'hui si populaire qu'on ne saurait trop le combattre », phrase qui vise le roman-feuilleton et surtout Balzac. Mais, à l'exception de Planche, ce sont surtout les critiques d'art qui se servent alors du terme de réalisme pour attaquer les tendances nouvelles de la peinture. Dans son Dictionnaire de la langue française, Littré mentionne le terme de réalisme, appliqué à la littérature et aux beaux-arts, comme « néologisme : en termes d'art et de littérature, attachement à la reproduction de la nature sans idéal ». Enfin, le mot entre en 1878 dans le Dictionnaire de l'Académie française : « Terme de philosophie scolastique : La doctrine réaliste. Il se dit aussi, en termes d'art et de littérature, d'une reproduction minutieuse et servile des choses : On trouve dans ses œuvres un réalisme choquant. » Pour les historiens de la philosophie, à partir du XIXe s., le réalisme est d'abord la doctrine des réalistes (reales), opposée à celle des nominalistes (nominales) dans la querelle des universaux (les scolastiques n'emploient jamais les termes de réalisme et de nominalisme). Pour les reales, les universaux existent indépendamment des choses dans lesquelles ils se manifestent, doctrine d'origine platonicienne. Pour Kant et ses disciples, réalisme ne s'oppose plus à nominalisme, mais à idéalisme. Ce binôme fera fortune dans la critique artistique et littéraire du XIXe s. Réalisme et réalismesLes historiens de la littérature française ont coutume d'appeler réalisme la période 1850-1885. Le réalisme se situerait entre le romantisme et le symbolisme. Cette vue de l'histoire littéraire n'est pas généralement admise hors de France : les critiques anglais préfèrent l'expression littérature victorienne ; F. O. Matthiessen a baptisé cette période la Renaissance américaine ; en Italie, le terme de vérisme a prévalu, etc. Réalisme est utilisé par les critiques de tous les pays, mais dans des sens très variés. On a parlé de réalisme à propos d'Homère, de la littérature romaine (Satiricon de Pétrone, Satires d'Horace et de Juvénal, Épigrammes de Martial), des fabliaux du Moyen Âge, de Rabelais, des romans de Scarron et de Charles Sorel au XVIIe s., de Richardson et de Fielding au XVIIIe s. … Au XIXe s., il existe de profondes différences entre le réalisme affiché de Champfleury et de Duranty, le « réalisme romantique » de Dickens, le « réalisme fantastique » de Dostoïevski, le « réalisme poétique » d'Otto Ludwig et d'Adalbert Stifter. Bien d'autres romanciers de ce temps ont été baptisés réalistes, pour des raisons diverses : Thackeray, George Eliot et Gissing en Angleterre ; Gottfried Keller en Suisse ; Fogazzaro, le vériste Verga et Capuana en Italie ; Jacobsen au Danemark ; Gogol, Tourgueniev, Tolstoï et Gorki en Russie ; William Dean Howells et Mark Twain aux États-Unis… Mêmes différences profondes entre les dramaturges réalistes : Ibsen, Bjørnson, Strindberg, Hauptmann, Henry Becque… Au XXe s., dans les pays socialistes, le réalisme est la doctrine officielle. Il faut donc se contenter de voir en lui une tendance littéraire et artistique, qui se manifeste plus nettement dans la littérature mondiale aux XIXe s. et XXe s., à partir des années 1830. Comme le dit Erich Auerbach (Mimesis), « le réalisme historique, pleinement conscient des problèmes socio-politico-économiques, est un phénomène purement moderne, commençant avec Stendhal ».Définition du réalismeÀ la limite, le réalisme est un non-sens artistique, puisque toute œuvre est expression, linguistique par exemple, pour la littérature. Les théoriciens les plus exigeants du réalisme, comme Champfleury et Duranty, ont, eux-mêmes, pris grand soin de distinguer entre la réalité et l'œuvre d'art. « La reproduction de la nature par l'homme ne sera jamais une reproduction, une imitation, ce sera toujours une interprétation » (Champfleury, le Réalisme, 1857). Somme toute, le réalisme se présente comme une tentative pour exprimer la réalité, contemporaine ou historique, par opposition aux œuvres idéalistes, qui décrivent la vie comme elle devrait être, libre, heureuse, juste, où les bons réussissent et les méchants périssent, ainsi que dans le mélodrame romantique. Les œuvres réalistes préfèrent donc représenter les classes sociales les plus nombreuses et les moins favorisées, comme étant les plus typiques, et se terminent le plus souvent par des dénouements malheureux. Le réalisme est pessimiste, non parce qu'il est « en dernière analyse un désordre artistique dont la cause est assez souvent un désordre moral » (A. David-Sauvageot, le Réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l'art, 1889), mais parce qu'il veut faire prendre conscience aux lecteurs des injustices de la société et contribuer à y remédier. De ce point de vue, on peut, à la rigueur, distinguer trois principaux courants réalistes au XIXe s. Le premier comprend des œuvres proches du reportage, qui se veulent aussi objectives que possible : ainsi celles de Champfleury et de Duranty en France ; elles demeurent secondaires dans toutes les littératures. En second lieu, ce sont des œuvres fondées sur l'esthétique hégélienne, pour laquelle le Vrai et le Beau sont des critères respectifs : ce sera la voie de Flaubert, de Baudelaire et, plus tard, d'Henry James et de Proust. Enfin, et c'est le cas le plus fréquent, sont réalistes des œuvres résolument engagées, dans quelque sens que ce soit, et dont le but est d'abord non pas artistique, mais psychologique, moral, social, politique, religieux. Dickens, Thackeray ou George Eliot, Dostoïevski, Tolstoï ou Gorki, Ibsen ou Hauptmann, Vallès ou Zola… ne se soucient pas de l'art pour l'art. Leurs œuvres comportent un message qui les justifient. Celui de l'Assommoir, nous dit Zola, est bien simple : « Fermez les bistrots, ouvrez les écoles. » Ce désir de réformer l'homme et la société a situé le plus souvent romans et drames réalistes dans la littérature d'opposition, et attiré les foudres des corps constitués, religieux, politiques ou académiques : témoin les procès intentés à Flaubert, à Baudelaire, à Maupassant ou à l'éditeur anglais Henry Richard Vizetelly. Dans les manuels et la critique officielle, au XIXe s., l'épithète réaliste a le plus souvent une valeur péjorative (Brunetière, David-Sauvageot, Dictionnaire de l'Académie française).Réalisme et sciences humainesIl n'est pas étonnant que les écrivains réalistes aient été profondément influencés au XIXe s. par les naissantes sciences humaines : biologie, psychologie, sociologie, recherches historiques, là où ils n'utilisent pas leurs expériences personnelles, car l'œuvre réaliste, en profondeur, est toujours plus ou moins autobiographique. George Eliot doit beaucoup à Auguste Comte, Gottfried Keller à Feuerbach, Zola et Ibsen aux théoriciens de l'hérédité, Otto Ludwig ou Hauptmann aux enquêtes sur les ouvrières de leur temps. Ce goût pour les sciences humaines, essentiellement descriptives, explique sans doute pourquoi la tendance réaliste a plus influencé le roman et la scène que la poésie lyrique, encore que l'on puisse parler du réalisme de Baudelaire, de Jules Laforgue ou de T. S. Eliot. Bien entendu, les grands romanciers et dramaturges réalistes n'ont jamais oublié les problèmes du langage ou de la représentation théâtrale. Le 12 décembre 1857, Flaubert écrit à Mlle Leroyer de Chantepie : « Vous me dites que je fais trop attention à la forme. Hélas ! c'est comme le corps et l'âme ; la forme et l'idée, c'est tout un. » Et Henry Becque, qui se veut le Molière de son temps, s'écarte résolument du Théâtre-Libre d'Antoine.Le réalisme dans la littérature françaiseAprès le règne de l'abstraction lyrique ou géométrique, une réaction se produit à la fin des années 1950 avec des formes inédites de réalisme. L'offensive se dessine d'abord du côté de l'objet et de la technique de l'assemblage avec le « nouveau réalisme » ; quant au « pop'art », il ne concerne guère le peuple : il est le plus souvent une glorification sophistiquée et emblématique des images de la publicité et des mass media.Enfin, depuis une dizaine d'années, un courant qualifié d'hyperréaliste (en angl. new realism ou photo-realism) a fait son apparition, surtout localisé aux États-Unis. Mouvement trop récent pour qu'on puisse en traiter avec objectivité, et fort divers. Ses précurseurs sont des Américains comme Edward Hopper (1882-1967), Charles Demuth (1883-1935) et surtout Charles Sheeler (1883-1965), mais aussi des Allemands des années 1920, en particulier Carl Grossberg (1894-1940), avec ses visions d'implantations industrielles désertes ; dans les générations plus récentes, on citera George Tooker (né en 1920), le Canadien Alex Colville (né en 1920) et un peintre considéré comme « académique », Andrew Wyeth (né en 1917). Froideur, distanciation vis-à-vis d'un monde sans présence humaine et traité le plus souvent à l'état de reflet (Richard Estes [né en 1936], Robert Cottingham [né en 1935], Ralph Goings [né en 1928], Don Eddy [né en 1944]) ; fragments déroutants dans leur isolement et la précision de leur traitement, qu'il s'agisse des immenses visages de Chuck Close (né en 1940), des ustensiles de Bruce Everett (né en 1942) ou des motos de David Parrish (né en 1939) ; recherches d'effet de trompe-l'œil (Howard Kanovitz [né en 1929], Stephen Posen [né en 1939], Paul Sarkisian [né en 1928]) : telles sont quelques-unes des dominantes de cette peinture.La sculpture n'est pas en reste et, grâce aux matériaux synthétiques, elle produit des corps peints au naturel, grandeur réelle, avec parfois le système pileux rapporté, comme chez John De Andrea (né en 1941), ou habillés et installés dans un fragment reconstitué de leur environnement (fauteuils, caddy, détritus, etc.), comme chez Duane Hanson (1925-1996). Robert Graham (né en 1938) miniaturise au contraire les figures dans des espaces imaginaires.En Europe, l'Italien Domenico Gnoli (1933-1970), avec ses gros plans plus vrais que nature, fait figure de précurseur isolé ; la figuration est utilisée désormais dans les intentions les plus diverses : références très subjectives chez Jacques Monory (né en 1934) ou Gérard Gasiorowski (né en 1930) ; allusions politiques dans les vues de zoo de Gilles Aillaud (né en 1928) ou les enquêtes sociologiques de Gérard Fromanger (né en 1939) ; magnification esthétique chez Peter Stämpfli (né en 1937). Cette résurgence du réalisme a eu également des conséquences sur les techniques employées : retour à un dessin traditionnel, d'une précision ingresque, chez Wolfgang Gäfgen (né en 1936), Gérard Titus-Carmel (né en 1942), Alfred Hofkunst (né en 1942) ; emploi de procédés mécaniques de transposition de l'image (en général photographique), soit qu'elle soit projetée sur le toile pendant l'exécution, soit qu'elle fasse l'objet d'un report sur support émulsionné.
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