Moyen Âgenom masculin singulier Cet article fait partie du DOSSI
Le Moyen Âge occidental est traditionnellement situé entre la chute du dernier empereur romain d'Occident (476) et la découverte de l'Amérique (1492), même si ces deux dates sont arbitraires et restent discutables.
La civilisation médiévale se définit par quatre caractéristiques majeures : le morcellement de l'autorité politique et le recul de la notion d'État ; une économie à dominante agricole ; une société cloisonnée entre une noblesse militaire, qui possède la terre, et une classe paysanne asservie ; enfin, un système de pensée fondé sur la foi religieuse et défini par l'Église chrétienne.
Le cadre chronologiqueL'expression « moyen âge » date du XVIIe s. : ce serait Christophe Kellner (Cellarius), professeur d'histoire à l'université de Halle, qui l'aurait employée pour la première fois, en 1688 (Historia medii aevi). La définition, commode chronologiquement, suggère ainsi que la période de mille ans, archaïque et barbare, qui a rompu avec les modèles classiques de l'Antiquité, n'est que l'attente obscure des prestiges de la Renaissance et des Temps modernes. Cette longue période est pour la première fois réhabilitée au XIXe s., mais dans une vision simpliste (l'ère « gothique ») campée de caricatures romantiques, du chevalier toujours preux au serf irrémédiablement « attaché à la glèbe ». Le langage commun n'est d'ailleurs toujours pas exempt des images conventionnelles d'un Moyen Âge plus mythique que réel, encore synonyme de retour aux limbes, de médiocre et d'inaccompli.Depuis les années 1930, les historiens s'attachent à rendre son identité à cette longue période de lentes mutations, au cours de laquelle une société complexe s'est épanouie en Occident. En particulier, les études minutieuses faites en France par l'école historique des Annales – et notamment par Marc Bloch, Georges Duby et Jacques Le Goff – ont permis de mettre fin à cette tradition d'idées fausses.Pour délimiter un cadre chronologique à ce long « Moyen Âge », on ne peut se référer à des dates politiques. Si 395 marque la fin de l'unité de l'Empire romain, avec la séparation entre Empire d'Orient et Empire d'Occident, 476 voit la disparition du dernier empereur romain d'Occident. À l'autre extrémité de la période, la prise de Constantinople par les Turcs ottomans en 1453 est surtout significative pour l'Orient ; en Occident, on pourrait se référer à la mort du dernier roi « médiéval », Louis XI de France, en 1483. Il n'en demeure pas moins que le voyage de Christophe Colomb en 1492, lourd de conséquences, est la date communément admise pour définir la fin du Moyen Âge et le début de l'époque moderne.La rupture avec les périodes qui encadrent le Moyen Âge n'est donc pas aussi nette qu'on le laisse souvent entendre, et, bien que les repères chronologiques soient indispensables, les évolutions se dessinent plus sûrement dans les mutations économiques et sociales qui, en aucun domaine, n'ont été brutales.Le haut Moyen Âge (fin du Ve-IXe s.)L'héritage antiqueIntroductionLe Moyen Âge perce déjà dans le monde antique du IIIe s. La volonté d'échapper à l'État – à sa pression fiscale et aux charges militaires ou municipales – caractérise alors le comportement social. Contraction démographique et étiolement urbain amorcent la ruralisation de l'économie, tandis que se dégrade la condition des colons endettés et que s'améliore celle de l'esclave, qui, de plus en plus, a la jouissance d'une terre. Le développement du christianisme, religion officielle de l'Empire romain depuis la fin du IVe s., assoit les bases de la puissance ecclésiastique.L'assimilation des BarbaresDéclenchées par les Huns, qui, à la fin du IVe s., entreprennent une migration vers l'ouest et poussent devant eux Ostrogoths et autres peuples germains, les grandes invasions n'ont jamais pris l'aspect d'une ruée massive, même si le mouvement s'accentue à partir de 406. Elles n'ont pas non plus détruit brusquement l'Empire romain, qui, dans un premier temps, s'est efforcé d'intégrer ces populations. Un Occident nouveau est né de la lente fusion des peuples et des coutumes.Les Barbares savent tirer profit de la romanité, acceptent le code d'hospitalité qui préside à leur implantation, s'intègrent (tel Théodoric) au fonctionnariat impérial, ou rédigent (à l'instar d'Alaric) un code de lois, dit bréviaire, inspiré du droit romain.Le maintien de la langue latine, la continuité entre nombre de grandes villes antiques et médiévales, la permanence des anciens circuits commerciaux sont autant de survivances de l'Antiquité dans le haut Moyen Âge. Par ailleurs, l'apport barbare imprègne ce monde nouveau : la notion de droit public s'estompe, civil et militaire ne se distinguent plus guère dans des communautés où prévaut la valeur guerrière du chef, élu et mythifié. L'économie sylvo-pastorale des Barbares renforce la ruralisation en cours depuis le Bas-Empire. La fuite devant les responsabilités imposées par l'État se conjugue avec le repli des aristocraties sur leurs terres, refuge et fondement de leur pouvoir.Le rôle de la foi chrétienneSi les Italiens innovent en matière commerciale, les marchands de l'Europe du Nord, de la Flandre à la Baltique, s'adaptent plus lentement aux nouvelles méthodes : les changeurs brugeois ne deviennent banquiers qu'au XIVe s.Le grand commerce international s'organise d'abord à partir de deux pôles : d'une part, les Pays-Bas, avec leur draperie, en provenance de Flandre, du Hainaut puis du Brabant, que Flamands et Italiens exportent en Europe méridionale – Bruges, grand fournisseur de laine importée d'Angleterre est la place marchande la plus importante de l'univers nordique ; d'autre part, les villes italiennes, qui ont puisé leur fortune dans le commerce avec l'Orient en assurant, entre autres, le trafic des épices.Au XIIIe s., deux pôles nouveaux exercent leur attraction : la Hanse teutonique et la région rhénane. Cette dernière reprend, à partir de la Flandre et des villes de la Hanse, la dynamique nord-sud vers l'Allemagne méridionale et l'Italie.Le bas Moyen Âge (XIVe-XVe s.)Le temps des calamitésIntroductionAux deux siècles d'expansion que sont les XIIe et XIIIe s. succèdent deux siècles de crise profonde. Au milieu du XVe s., les mutations, dans tous les domaines, sont d'une telle ampleur que, pour les historiens, c'en est fini du Moyen Âge. Les causes de la dépression sont multiples, et aucune d'elles ne peut seule l'expliquer. Famines, pestes et guerres se sont conjuguées pour faire de ce qu'on appelle le « bas Moyen Âge », le « Moyen Âge tardif », le « temps de l'homme rare » : l'Occident est alors moins peuplé qu'au début du XIIIe s.Les faminesLa crise des XIVe-XVe s. est d'abord frumentaire : dès 1309 en Allemagne, les récoltes ne suffisent plus à alimenter les hommes, et en 1315-1316 toute l'Europe occidentale est affamée. Les années de mauvaises récoltes provoquent une hausse du prix des produits céréaliers. Les années d'excellentes récoltes ne règlent pas la crise car, si le prix des céréales chute, celui des autres produits (agricoles et artisanaux) continue d'augmenter durablement.Attesté par le recul des feuillus en Allemagne, par celui de la vigne en Angleterre, et par la disparition des céréales en Islande, le refroidissement climatique explique en partie les mauvaises récoltes. Les fortes pluies de 1315 aggravent ce phénomène. Mais la catastrophe est amplifiée par la surpopulation qui touche les terroirs et les villes manufacturières, où affluent les immigrés ruraux.L'épidémie de la Grande PesteDans les villes, insalubres, les populations sous-alimentées résistent mal aux épidémies de peste, qu'une médecine balbutiante se révèle incapable d'enrayer. De 1346 à 1353, suivant les grands axes commerciaux, la maladie se propage jusqu'en Île-de-France, où elle ravage Paris de juin 1348 à juin 1349. Présente en Europe centrale, elle gagne les Pays-Bas et l'Angleterre, puis l'Écosse et les pays scandinaves en 1350. Paris doit encore subir ses attaques récurrentes en 1361-1362, alors que la peste des enfants s'abat, particulièrement sévère, sur le Languedoc en 1363.Certains préfèrent fuir ; d'autres se murent chez eux. Prince ou serf, riche ou pauvre, nul n'est épargné par le fléau. Arras, Florence, l'Angleterre tout entière perdent 50 % de leurs habitants, Zurich 60 %. On estime à 25 millions – soit le tiers de la population – les victimes de la grande peste en Europe occidentale.Avec l'épidémie de peste, l'homme devient une ressource économique rare et cher. Les salaires augmentent, tant à la campagne, où les seigneurs cherchent la main-d'œuvre qui relancerait l'exploitation de leurs réserves, que dans les ateliers urbains.Les guerresLa permanence des conflits aggrave le déficit humain. Enlisée dans la guerre de Cent Ans (1337-1453), à laquelle s'ajoute de 1407 à 1413 le conflit entre Armagnacs et Bourguignons, la France, théâtre des opérations, est sans doute le pays le plus touché en Occident.Il n'en demeure pas moins que dans toute l'Europe, ou presque, on s'affronte. L'Italie frémit sous le choc des impérialismes commerciaux nés avec les empires coloniaux. Ainsi, Pise lutte vainement contre Florence (1399-1406), et Milan contre Venise (1426-1429) ; Angevins et Aragonais se disputent la Sicile et le sud de la péninsule italienne (1435-1443). Dans la péninsule Ibérique, la fratricide querelle entre Pierre II et Henri de Trastamare ensanglante la Castille (1350-1369). L'Angleterre, ébranlée par la résistance écossaise (1295-1328) et déjà mobilisée contre la France, doit également faire face à la guerre des Deux-Roses (1455-1485), qui oppose les maisons d'York et de Lancastre. L'Europe du Nord n'est pas épargnée : en 1360, la Hanse sort victorieuse d'un premier conflit avec le Danemark, mais Teutoniques et Polonais s'affrontent durant un demi-siècle, de 1411 à 1466.Les conflits mobilisent davantage d'hommes qu'auparavant. Sur terre, où des volontaires contractuels viennent grossir les rangs des armées, mais aussi sur mer, où sévissent pirates et gardes-côtes mercenaires. De la puissante artillerie française aux long bows anglais, les armes se perfectionnent et se multiplient.Les périodes de trêve n'apportent aucun soulagement aux campagnes, qui sont pillées et dévastées en permanence par des troupes privées de tout autre ravitaillement. La tactique de la terre brûlée, adoptée par Bertrand du Guesclin pour repousser ces bandes désœuvrées vers l'Espagne en 1367, est tout aussi redoutable pour les populations locales que les grandes chevauchées anglaises du Prince Noir en Languedoc (1355). « Écorcheurs » et « routiers » sévissent jusqu'à l'application de l'ordonnance sur les abus des gens de guerre, en 1439. Les paysans quittent des campagnes exsangues, abandonnant leurs tenures, et cherchent refuge à la ville, où le poids de la guerre se fait également sentir.L'augmentation des taxesPour financer les guerres et payer les mercenaires, les états (assemblées représentant les trois ordres de la société : clergé, noblesse et tiers état) en France, de même que le Parlement en Angleterre autorisent, non sans difficultés, l'alourdissement de la fiscalité royale.La pénurie de numéraire est un phénomène classique en période de troubles. Aussi les souverains français procèdent-ils à de fréquents réajustements monétaires, dont les conséquences sont avantageuses pour les débiteurs, mais catastrophiques pour ceux qui perçoivent des revenus fixes. Les incertitudes monétaires pèsent sur le grand négoce, que ralentissent en outre l'insécurité grandissante des mers et le mauvais état des routes livrées aux pillards. La production et la consommation sont en recul dans une société perturbée, où les pouvoirs (publics comme seigneuriaux) sont plus que jamais contestés.Les crises politiques et socialesLa remise en cause des pouvoirsLa guerre de Cent Ans a dévalorisé le pouvoir royal au profit des aristocraties française et anglaise. Le triomphe monarchique n'est pas encore confirmé, et bien des insuffisances et des contestations fragilisent l'institution. En France, les états généraux entendent jouer leur rôle. Ils sont réunis dix-sept fois au cours du XIVe s., pour le vote de subsides, le règlement des successions ou l'approbation des traités. Mais, malgré le contrôle qu'ils prétendent exercer sur les finances publiques, ils ne menacent guère le pouvoir du roi, pas plus que ne le font les assemblées locales, que le souverain sait finalement utiliser à son avantage.La petite noblesse s'agite périodiquement, voire constitue de véritables ligues. Elle contraint Louis X à concéder quelques chartes, dans lesquelles est définie la part d'autonomie des provinces. Les princes organisent leur domaine à l'image du royaume, créent des principautés toujours prêtes à défier l'autorité souveraine, en Bourgogne notamment. Les grands du royaume cherchent plus, au moins en France, à contrôler l'autorité du souverain qu'à la détruire.Lorsque de jeunes souverains accèdent au trône avant d'être majeurs, le pouvoir est livré aux coteries princières. Ainsi, la minorité de Charles VI (1380-1388) laisse le champ libre aux intérêts divergents de ses oncles, en particulier de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. En Angleterre, ces questions se règlent par de sanglantes révolutions de palais : Édouard III fait arrêter et exécuter Mortimer, jadis régent de son royaume, et Thomas de Gloucester paie de sa vie, en 1397, sa révolte contre son ancien pupille Richard II.Dans certaines circonstances, la transmission du pouvoir donne lieu à d'inextinguibles conflits. En France, la succession de Louis X (1314-1316) et celle de Philippe V (1316-1322) inaugurent un nouveau principe dynastique qui écarte délibérément les femmes et leurs fils du pouvoir (décision des états généraux de 1317 et 1328). Au mépris de toute tradition, la succession en ligne collatérale est autorisée, afin de rendre impossible l'installation d'un Anglais sur le trône de France.L'enchevêtrement des liens familiaux et des obédiences vassaliques a depuis longtemps brouillé les points de repère politiques et sociaux. Il nourrit des conflits d'autorité dont l'arbitrage incombe à la force plus qu'au droit. Ainsi, par le jeu des alliances, les rois d'Angleterre Édouard II et Édouard III, petits-fils par leur mère des rois de France, peuvent se croire quelque droit à la couronne de France, tout comme Henri VI, petit-fils de Charles VI. Le roi d'Angleterre, égal en puissance au roi de France, mais néanmoins son vassal pour les terres qu'il possède dans le royaume de France, pouvait-il accepter de s'abaisser à lui prêter hommage ? Pouvait-il tolérer la « saisie du fief » de Guyenne opérée par son suzerain en 1337 ? Instrument du pouvoir, la vassalité devient alors inévitablement source de guerre féodale, prémisse à un affrontement national.Les mouvements de révoltePartout en Europe, campagnes et villes sont gagnées par des flambées de violence. Expression d'une rageuse lassitude, ces mouvements sont dépourvus de programme social et politique, bien qu'ils soient, de fait, antifiscaux et antiseigneuriaux.Dans les campagnes, les défaites militaires, l'incurie des seigneurs absents, les pillages et les destructions, l'accroissement de la fiscalité royale et seigneuriale provoquent de brusques protestations. Les meilleurs terroirs agricoles sont touchés (Beauvaisis, Île-de-France, bassin de Londres). Ces révoltes paysannes prennent généralement l'aspect d'« effrois » spontanés, violents, et cruellement réprimés. À ce type de révolte correspond, sans doute, celle de la Flandre maritime menée par Zannequin (1323-1327) ; partiellement aidée par les tisserands, elle est écrasée par Philippe VI de France. En 1358, en France, la Jacquerie paysanne comme la révolte parisienne, menée par Étienne Marcel, sont essentiellement antinobiliaires. La « révolte des travailleurs » en Angleterre (1381) est l'expression des masses rurales criant leur misère autant que leur refus de la poll tax imposée par le gouvernement en 1380. Les révoltés, dirigés par Wat Tyler, parviennent à entrer dans Londres à l'été 1381, jusqu'à ce que l'assassinat de Tyler donne le signal de la répression. Les aristocraties scandinaves font face à de semblables révoltes, tant en Suède (1434) qu'en Norvège (1438) et qu'au Danemark (1441). Les fureurs paysannes agitent aussi l'Aragon à partir de 1409 et la Catalogne en 1462.La dégradation des rapports maîtres-ouvriers est à l'origine de révoltes appelées « émotions ». Elles ne sont pas nouvelles : les XIIe et XIIIe s. en ont déjà connu de nombreuses, de la révolte des tisserands de Troyes (1175) aux émeutes de Pontoise (1267) et de Provins (1279), avant celles de Douai et d'Ypres (1294-1305). Les maîtres veulent assurer leur monopole et leur suprématie sur les apprentis comme sur les valets et les compagnons plus spécialisés. Ils soumettent l'accès à la maîtrise à des conditions plus astreignantes, qui bloquent les métiers. Le paroxysme du mouvement de protestation se situe à la fin du XIVe s. ; il prend l'aspect de grèves, parfois accompagnées de bris de machines comme à Rouen en 1381-1382. Le tumulte des Ciompi à Florence en 1378 est l'expression d'un malaise autant politique que social, tout comme le mouvement parisien des maillotins, qui met ouvertement en cause le parti du roi et de ses régents (1382). Il faut l'armée royale pour écraser à Rozebeke, en 1382, les tisserands flamands pro-anglais révoltés contre la France. Dans l'ensemble, les ouvriers n'ont guère tiré profit de ces révoltes. Mais bien plus encore que chez les paysans, elles ont favorisé une solidarité dont les conséquences vont s'inscrire dans un lointain avenir, face aux négociants et aux maîtres de métiers qui conservent le pouvoir économique et politique des villes.Le malaise moralLa grande peste a tant tué, que la population ayant survécu cherche à profiter de ce sursis. Au milieu d'un foisonnement de couleurs, la mode se pare de toutes les audaces. Pour les plus riches, l'habillement, avec ses soieries et ses fourrures, devient de plus en plus luxueux. Tentant d'agir contre ces extravagances, les nombreuses lois somptuaires n'ont guère d'effets. Tableaux vivants et bals masqués animent, parfois tragiquement, les cours princières (en 1393, sous Charles VI, le bal des Ardents coûte la vie à cinq jeunes seigneurs, brûlés vifs par des torches). La « courtoisie » renaît néanmoins dans les poèmes de Charles d'Orléans en France, ou dans les écrits de Geoffrey Chaucer en Angleterre. On hésite entre la fureur des plaisirs et la chasse aux boucs émissaires. Deux mille juifs sont ainsi massacrés à Strasbourg en 1349.Pour sa part déchirée par le grand schisme d'Occident (1378-1417), la papauté n'offre plus de modèle, ni moral ni religieux. La chrétienté tout entière est divisée entre le pape de Rome, celui d'Avignon, et un troisième issu du concile de Pise en 1409. L'unité ne doit être retrouvée qu'avec l'élection de Martin V en 1417.Les désordres créés par le grand schisme ne sont pas étrangers à la propagation des hérésies. Les prêtres sont rares, des églises sont détruites, des couvents désertés. Voyant dans ces catastrophes un châtiment divin, les flagellants allemands et flamands appellent au repentir, ainsi qu'à la révision des dogmes et des pratiques. Les nouveaux prédicateurs populaires savent exploiter le sens profond des mécontentements. Ils en structurent les idées, établissent un lien entre la contestation sociale et la remise en cause de l'Église et du clergé. Ainsi, John Ball appuie ouvertement les travailleurs anglais, déjà influencés par les discours de John Wycliffe. Plus à l'est, les hussites de Bohême et les taborites de Bavière critiquent tout autant le servage et la fiscalité qu'une papauté oublieuse de sa vocation. C'est le mouvement des lollards en Angleterre, intellectuel avant de devenir populaire, qui réalise le mieux cette synthèse contestataire. Mais l'hérésie, dont toutes ces révoltes sont empreintes, facilite leur marginalisation et justifie leur écrasement.Vers l'Europe moderneLe triomphe des hommes d'argentUn renouveau, perceptible à travers les premiers signes d'une relance démographique et économique, est sensible dans toute l'Europe à partir de 1450. L'Europe de la fin du Moyen Âge devient surtout celle des « hommes d'affaires ». Les Médicis à Florence, les Fugger et les Welser à Augsbourg sont à la tête d'un réseau d'affaires international et discutent à égalité avec les grands princes, dont ils sont les banquiers et les prêteurs.Le nouveau paysage politiqueLe redressement, c'est aussi une configuration de l'Europe qui annonce celle des Temps modernes et se caractérise par des États forts, de structure monarchique. La fin de la guerre de Cent Ans et de ses ravages assure aux couronnes de France et d'Angleterre un prestige qui devait leur permettre de triompher des aristocraties.En Angleterre, le rétablissement du pouvoir royal intervient avec la nouvelle dynastie des Tudor. Le mariage de Henri VII avec Élisabeth d'York met fin à la guerre des Deux-Roses, tandis que le traité d'Étaples avec la France, en 1492, complète avantageusement l'œuvre de pacification. Les confiscations et une habile politique commerciale, de la laine notamment, ont contribué à l'enrichissement du trésor royal. Le roi, qui n'a plus besoin de faire appel au Parlement, s'appuie désormais sur la gentry des Communes et sur les hommes de son Conseil.En France, l'État étend désormais son pouvoir sur un territoire dont toutes les provinces participent au domaine royal et où plus aucune principauté ne vient défier l'autorité monarchique : depuis 1481, le roi est comte de Provence, et le mariage de Charles VIII avec Anne de Bretagne, en 1491, fait enfin entrer le duché dans les possessions de la Couronne. Si cette monarchie n'a plus rien de féodal, elle ignore encore cependant la centralisation administrative, ainsi que le prouve l'éclatement du parlement dans les provinces, à partir de 1443. Chaque région reste fidèle à ses coutumes. L'évolution favorise la montée de la bourgeoisie au sein du tiers état, comme l'illustre la carrière de Jacques Cœur. Elle constitue cette nouvelle noblesse de robe, où se recrutent juristes et financiers. Le clergé ne perd rien de ses privilèges financiers et judiciaires, et les nobles qui se pressent jalousement à la cour demeurent un danger potentiel pour le pouvoir.En Espagne, le mariage d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon (1469) préfigure l'unification du royaume espagnol. Mais l'unité nationale ne se fait qu'au prix de bien des intolérances : au nom de la foi, les rois Catholiques laissent l'Inquisition de Torquemada persécuter les « mauvais chrétiens » (1480). Ils décident l'expulsion de tous les juifs du royaume de Castille (31 mars 1492), provoquant une nouvelle diaspora vers les rivages d'Afrique du Nord et surtout vers Salonique. La prise de Grenade aux musulmans (2 janvier 1492) met fin à la longue Reconquista chrétienne de la péninsule Ibérique.Quant au Portugal, l'échec des Castillans à Aljubarrota (14 août 1385) garantit définitivement son indépendance.En Germanie, l'autorité impériale n'est pas parvenue à arbitrer les perpétuels conflits qui opposaient les princes et les villes, et le vieil Empire germanique s'est disloqué. Déjà se dégagent de nouveaux centres de pouvoir. Au nord, la Hanse décline quelque peu ; dominatrice au XVe s., elle doit affronter la concurrence de ses rivaux : velléités d'indépendance des royaumes nordiques (réunis depuis 1397 dans l'Union de Kalmar) et, à un moindre degré, la montée en puissance de Moscou. Les véritables forces germaniques sont maintenant ancrées dans le Brandebourg des Hohenzollern et dans l'Autriche unifiée (avec la Styrie, la Carinthie, le Tyrol et la Carniole) des Habsbourg. En 1493, l'empire de Maximilien, première puissance d'Occident, couvre toute l'Europe centrale, de Trieste à Amsterdam.Dans une Europe aux États consolidés, l'horizon territorial des grands marchands est cependant menacé par l'avancée des Turcs ottomans, qui atteignent Constantinople en 1453 et ferment ainsi la route des épices et des soieries de l'Orient. La recherche d'une nouvelle voie guide les Portugais vers la découverte du monde. Siècle de guerre, le XVe s. est déjà celui des grandes explorations qui mènent Christophe Colomb aux Antilles, en 1492.
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