morale

nom féminin
(de moral 1) Ensemble de règles de conduite, considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d'une certaine conception de la vie : Obéir à une morale rigide.
Science du bien et du mal, théorie des comportements humains, en tant qu'ils sont régis par des principes éthiques.
Enseignement qui se dégage de quelque chose, conduite que l'événement ou le récit invite à tenir : La morale de l'histoire.
Conclusion, en forme de morale, d'une fable, d'un récit.
Faire la morale à quelqu'un, lui adresser des reproches, des recommandations sur sa conduite.

La morale répond à la question : que dois-je faire ? Comme telle, elle s'exprime à travers des « devoirs », donc des énoncés essentiellement normatifs. Mais comment distinguer la morale des autres types d'énoncés normatifs ? Comment, par exemple, distinguer la morale et le droit ?
Les réponses à ces questions dessinent, tout au long de l'histoire des idées, différentes conceptions de la morale. Les auteurs se rejoignent pour affirmer que la morale est une règle de l'action ordonnée au bien, que le sujet connaît et qu'il s'impose à lui-même.
Les grandes théories moralesLa morale antique : le bonheur comme finLe terme « eudémonisme », qui sert à définir la morale dont la fin est le bonheur ou la quiétude, peut s'appliquer à l'ensemble des morales antiques – en dépit de quelques différences.Aristote expose, dans l'Éthique à Nicomaque, les principes d'une morale directement liée à la connaissance de la nature. Chaque être naturel tend vers sa propre fin, qui est pour lui l'accomplissement de son essence, c'est-à-dire son bien. L'homme qui devient en acte ce qu'il est en puissance se met en situation d'être heureux : ses aspirations se trouvent comblées par la contemplation du vrai, du beau, du bien.La pensée sceptique accède, presque malgré elle, à une vraie morale : le sceptique doute de tout après l'échec de la recherche de la vérité ; le doute s'impose à lui par l'impuissance de la raison. Or, il découvre dans le doute même la règle de vie la plus sage : celui qui ne se prononce pas sur ce qui lui advient a compris que ce ne sont pas les événements qui nous affligent, mais notre propre jugement.Le stoïcisme pense le monde comme un seul être, animé par une raison : l'enchaînement des événements ne relève donc pas du hasard ; le sage comprend qu'il est une partie de ce tout, il doit aimer le destin et ne pas s'ériger en principe régulateur des choses. La morale consiste essentiellement à changer son regard : abstiens-toi et supporte pour accéder à l'ataraxie, qui est l'absence de troubles.L'épicurisme emprunte son fondement théorique à l'atomisme : l'homme n'existe qu'aussi longtemps que les atomes qui le constituent sont en relation ; seul le présent a une réalité pour lui, la mort ne sera jamais objet d'expérience. Il faut donc s'exercer à vivre au présent et apprécier la part relative des plaisirs et des peines pour obtenir le plaisir par excellence, celui que procure la jouissance de la quiétude.La morale rationnelle : la volonté et la raison comme fondementsLa critique de l'idée de nature et l'essor de l'idée de sujet conduisent à penser autrement la morale : la modernité fonde la morale sur les facultés du sujet plus que sur la nature ou sur un ordre des choses objectif.Descartes expose des règles morales dans la troisième partie du Discours de la méthode (1637), dans le traité des Passions de l'âme (1649) et dans les lettres à Élisabeth des années 1640 : la constante de ces textes est de viser le contentement par une discipline des désirs. Or, seule la volonté est un bien que je possède sans limite et qui ne peut jamais m'être retiré : la règle morale fondamentale consiste à se rendre maître de sa volonté par la constance. Descartes relit le stoïcisme à la lumière de sa philosophie du sujet et constitue une morale de la souveraineté de soi.Kant cherche à identifier l'essence pure de la morale (Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785) : les impératifs qui commandent des moyens en vue d'une fin, soumis à l'hypothèse du but (« impératifs hypothétiques »), ne sont pas moraux au sens strict, mais se rattachent à des exigences de la technique ou de la prudence. La morale ne commande pas des moyens, mais un comportement qui a par lui-même sa valeur : ni moyen pour autre chose, ni fin pour moi, il est une fin en soi. La morale s'exprime dans un « impératif catégorique ». Elle ne peut pas être conditionnée par l'intérêt ; elle ne dépend pas des circonstances historiques : elle est universelle et nécessaire en soi. Elle est donc indépendante de l'expérience : ce n'est pas à partir de l'être que l'on détermine le devoir-être, mais à partir d'une exigence absolue de la raison. Le respect de la raison, en moi et en toute autre personne, est donc le contenu essentiel de la morale.La morale chrétienne : entre eudémonisme et désintéressementLa morale chrétienne repose sur la révélation du Décalogue à Moïse. Les dix commandements ont été compris par la tradition scolastique et, par extension, catholique, comme une explicitation par Dieu des conditions par lesquelles l'homme peut atteindre au bonheur. La révélation surnaturelle aurait pour fin d'éclairer la nature de l'homme : les analyses antiques, et notamment aristotéliciennes, peuvent donc être intégrées à la pensée chrétienne.La lecture protestante, dans la plupart de ses formes, voit dans le Décalogue des préceptes à accomplir indépendamment de la question du bonheur : le commandement vaut par lui-même dans sa pureté.La morale et la sociétéLe développement de la sociologie a des incidences sur la conception de la morale. A. Comte s'emploie à montrer, dans le Cours de philosophie positive (1830-1842), que l'individu est une abstraction : tout ce qu'il a lui vient de la société et, par extension, de l'humanité. L'homme est constitué par le don ; il est débiteur envers l'humanité. Il n'a pas de droits, il n'a que des devoirs. La morale ne peut se définir qu'en rapport avec la société : son maître mot est l'altruisme.M. Weber expose, dans le Métier et la vocation d'homme politique (1919), sa conception du pouvoir et du rapport entre éthique et politique. Il opère ainsi la distinction devenue célèbre entre l'éthique de la responsabilité qui règle l'action sur la prise en compte de ses conséquences, et l'éthique de la responsabilité attentive à la valeur intrinsèque de l'acte.L'utilitarisme de J. Bentham associe également la morale à la société. Refusant tout absolu, la pensée doit être attentive à la réalité empirique : le seul but vérifiable et extérieur aux débats idéologiques est l'intérêt de l'individu. Le droit comme la morale doivent viser ce but par une saine appréciation de l'utile et du nuisible (Déontologie ou Science de la morale, 1834).Dans les Deux Sources de la morale et de la religion (1932), Bergson distingue la morale close, fondée sur des préceptes abstraits liant l'individu à la société selon une relation d'intérêt quasi instinctive, et la morale ouverte, mue par l'élan vital, capable de sacrifice parce qu'elle est attirée par un but incarné – l'exemple du saint, du sage ou du héros. En imitant l'exemple, elle vise l'amour de l'humanité tout entière.La création de valeursDans le Prince (publié en 1532), Machiavel avait déjà pensé une logique de l'action affranchie de la question du bien et du mal en soi. Le prince est au-delà du bien et du mal : son but est de se maintenir au pouvoir et, pour cela, maintenir la cohésion de l'État prime tout. En inventant ce qu'on appellera ultérieurement la « raison d'État », il conçoit une action, non pas immorale (il ne prend pas plaisir à transgresser), mais amorale.Nietzsche s'est illustré dans la critique de la morale comme masque de l'impuissance (Généalogie de la morale, 1887). Refusant toutes les stratégies de culpabilisation, il affirme la valeur de la vie qui assume sa force créatrice. Se situer Par-delà bien et mal (1886), c'est créer ses propres valeurs sans ressentiment, sans comparaison avec des normes déjà existantes : c'est retrouver l'innocence et l'oubli de l'enfant qui dit oui à la vie (Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885).Dans une philosophie de la liberté, Sartre est conduit à repenser la morale (l'Être et le Néant, 1943). L'homme est lui-même créateur du possible et du sens : aucune « valeur » ne peut lui préexister. La seule morale authentique est donc celle qui consiste à assumer le fait d'être libre, et à ne pas se dérober à la nécessité d'avoir toujours à choisir.Les perspectives contemporainesLe traumatisme causé par le génocide juif a beaucoup infléchi la réflexion morale. E. Bloch (le Principe espérance, 1954-1959) montre que le nihilisme, qui ne donne à l'homme que l'horizon du néant, est intenable, même lorsque les circonstances semblent apocalyptiques.E. Lévinas, prolongeant les travaux de Husserl et de Heidegger, met en question la volonté dominatrice (Totalité et Infini, 1961) : autrui résiste à mon pouvoir, non pas en m'opposant un pouvoir plus grand, mais en échappant toujours, par sa subjectivité, à ce que je pourrais en dire ou en faire. Le visage d'autrui me signifie donc l'interdiction de tuer. Aussi la morale se caractérise-t-elle essentiellement par le sens de la responsabilité.La réflexion morale contemporaine s'est aussi orientée vers une reprise de la pensée antique et classique. André Comte-Sponville (né en 1952), avec, notamment, Petit Traité des grandes vertus, 1998 ; La Sagesse des modernes (1998, écrit avec Luc Ferry [né en 1951]).
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