judaïsmenom masculin(latin ecclésiastique judaismus, du grec i


Le judaïsme est la première des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam) à avoir professé la foi en un Dieu unique, qui s'est révélé pour la première fois au patriarche hébreu Abraham.
Croyances et fondementsUne religion monothéisteLe judaïsme professe le monothéisme, croyance en un Dieu unique et transcendant, qu'exprime la prière récitée plusieurs fois par jour comme profession de foi, Shema Israël (premiers mots hébreux de la prière). Le nom de Dieu le plus fréquent dans la Bible juive est Yahvé (qui signifie « il est » en hébreu). Il s'écrit encore YHWH, forme consonantique imprononçable, car les Hébreux croyaient à l'interdiction de prononcer le nom sacré de Dieu. Ils évitaient aussi ce sacrilège en l'appelant Seigneur (Adonaï). Yahvé est plein de justice et de rigueur pour Israël, le peuple élu de ses enfants. Dans la culture du Livre, sens étymologique du mot « Bible », le Dieu juif est l'Éternel, tant de l'histoire que de la nature. Modèle du christianisme et de l'islam, le judaïsme se distingue par l'absence de clergé hiérarchique ; les rabbins, interprètes des textes, ne sont pas des représentants de Dieu, et leur fonction n'est pas sacrée, car pour les juifs la relation avec Dieu est directe. Le judaïsme met en effet davantage l'accent sur la conduite que sur l'application précise d'un code religieux. Il est donc difficile de séparer le droit et la morale de la religion : toute faute est plus ou moins un péché. On comprend alors que les lois juives recouvrent tous les domaines de la vie. Le judaïsme est une religion d'ici-bas. Yahvé règne, et non les rois, et Israël est parfois dénommé « royaume de prêtres ». L'objectif est la justice et la paix sur Terre.Les sourcesLes mouvements modernistes, dont l'Allemagne a été le berceau, n'ont qu'un succès limité en Europe mais connaissent un essor considérable en Amérique du Nord. Les réformateurs y sont en effet puissants, à côté d'un mouvement conservateur qui partage une théologie analogue mais n'a introduit que des modifications limitées dans les pratiques traditionnelles. Cette tendance récuse les excès des réformés et des traditionalistes, tout en s'adaptant à la modernité dans le respect de la Loi écrite et orale. Aujourd'hui, les États-Unis comptent plus de 600 synagogues « conservatrices ». Répandus en Amérique latine, en Afrique du Sud, en Australie et en Israël, les termes de « réformistes », « libéraux », « progressistes », « traditionalistes » et « révisionnistes » sont utilisés avec diverses nuances de sens. Tous désignent, cependant, les versions non orthodoxes de la religion juive. Dans les pays constituant l'URSS, l'auto-affirmation du peuple juif, après une longue et sévère répression, a connu un regain extraordinaire et entraîné une émigration massive vers l'État d'Israël. Les institutions religieuses du monde occidental sont aujourd'hui prospères, malgré une certaine désaffection (les mariages mixtes s'élèvent à plus de 50 % en France et aux États-Unis) et une baisse considérable de la natalité : le nombre des pratiquants a connu une augmentation spectaculaire après la Seconde Guerre mondiale, et les synagogues se sont multipliées. À la suite d'une longue période de déclin, le renouveau de l'orthodoxie juive est certain, et les groupes modernistes attachent plus d'importance aux traditions et aux cérémonies.La pensée juiveIntroductionLa Bible offre-t-elle des idées philosophiques, outre son message religieux et mystique ? Rompant avec la mentalité mythique, le monothéisme hébraïque conçoit un univers logique que l'on peut comparer avec celui de la philosophie, bien avant que celle-ci apparaisse en Grèce. La Création, œuvre de Dieu mais séparée et abandonnée, est organisée selon des lois : loi physique des « ordonnances du ciel et de la terre » (Jérémie XXXIII, 25), loi éthique (la Torah, Loi de Moïse) et loi métaphysique de la Justice divine (Genèse XVIII, 25). Physique et éthique ne se confondent cependant pas, car le domaine moral propre à l'homme présuppose seul la liberté (Deutéronome XXX, 19). Mais la Bible reste un texte religieux. L'opposition semble donc inéluctable avec une philosophie qui, selon son étymologie, aime la sagesse et recherche la connaissance hors de toute perspective divine. Amour et connaissance se retrouvent pourtant dans le judaïsme, mais, loin d'être subordonnés l'un à l'autre, se confondent vers une unique fin qui les dépasse : Dieu. Aussi, le judaïsme se désintéresse-t-il de la connaissance des lois de la nature au profit du dialogue entre l'homme et Dieu. La sagesse n'est pas non plus conçue selon le mode grec d'une recherche d'autonomie. Chaque homme particulier – et non l'être universel de l'homme, comme pour Socrate – doit être ouvert à la communication. L'éthique juive est dans cette ouverture. Ainsi Dieu, bien que séparé, reste-t-il lisible pour tout homme à travers l'étude des Écritures et de la parole des prophètes. Et le dialogue avec lui est aussi un dialogue avec les autres hommes. L'Alliance, lien direct entre Dieu et les hommes, conclue avec un peuple et non avec un individu isolé, écarte en effet l'idée de hiérarchie et favorise celle de différenciation. Elle désacralise le pouvoir et fonde une éthique du dialogue par-delà la différence – dialogue avec les autres civilisations religieuses également. Le message biblique ouvre l'idée de temps. Contrairement à la notion grecque d'éternel retour, où la temporalité s'abolit par la répétition, la Création juive, à partir du néant originel, déroule son drame linéaire et toujours nouveau. La philosophie de l'histoire est une invention centrale de la pensée juive. Le temps, l'histoire et l'homme libre sont mis à l'épreuve de l'ouverture et de l'inachèvement, en attente de « rachat » (tikkum) et avec le devoir d'agir pour établir le royaume de Dieu et de la justice en ce monde. Cette pensée du temps, puissant ferment de critique sociale, est aussi la source du messianisme. Le passage de la philosophie à la mystique, toujours présent dans la Bible, est ainsi l'occasion d'une pensée originale et vivante.La liberté de commenterIl est étonnant que le texte sacré de la Bible n'ait pas figé la pensée dans un respect religieux mais stérile. Le secret réside dans la Loi orale, corollaire nécessaire de la Loi écrite de Moïse (dite aussi Loi mosaïque). Ainsi, autour du noyau originel des dix commandements (centre de la Torah), va s'enrouler toute une littérature pour l'enrichir, le développer et le conduire vers des horizons nouveaux. À l'origine de cette longue suite d'exégèses sont les prophètes et les sages, puis, avec le premier Exil viennent les scribes, réfléchissant sur la Torah et sur les fondements religieux et politiques d'un État d'Israël à venir. Mais les commentaires de la Bible se déploient véritablement sous les pharisiens, durant les cinq siècles du second Temple, et atteignent toute leur ampleur au début de l'ère chrétienne, alors que des générations de rabbins rédigent le Talmud. Le texte révélé s'offre dès lors sous deux aspects : Halakhah d'un côté, code de vie et d'action mitzvoth, précisant la jurisprudence et les rites, et Haggadah de l'autre, mythe développant des récits et utilisant une féconde méthode d'interprétation, la midrash. Dans le Talmud, la Haggadah seule laisse place à la pensée spéculative, mais son esprit est éloigné de la philosophie. L'unité de la vie et de la pensée domine certes, mais dans un particularisme juif trop peu soucieux d'universalité. Cet immense mouvement collectif d'écriture et de pensée témoigne d'un caractère constant dans la tradition intellectuelle juive : les penseurs, même mystiques, mettent rarement leur individualité en avant, et s'organisent, souvent en écoles, se référant à une méthode ou à une autorité fondatrice.Les dialogues philosophiquesC'est du dialogue avec l'Autre, et particulièrement avec la culture hellénistique, que naissent les premiers philosophes (au sens grec) juifs. La traduction de la Bible en grec (la Septante) en constitue déjà une interprétation philosophique qui, par exemple, dépersonnalise Dieu. Nourri de cette union de la Bible et du logos grec, principe de rationalité philosophique, le grand Philon d'Alexandrie (25 avant J.-C.-40 après J.-C.) conçoit alors Dieu comme un être inconnaissable, posant la limite de l'intelligence humaine. L'homme est tout aussi inconnaissable à l'homme. Contraire au « Connais-toi toi-même » de Socrate, l'intuition de Philon traverse pourtant l'histoire de la philosophie jusqu'à Kant. Il faudra attendre environ dix siècles pour qu'un nouveau dialogue s'engage, cette fois-ci avec la philosophie arabe. Saadia ibn Yousouf (ou Bar-Yosef) sera, à Babylone, le « Gaon » par excellence (gaon est un titre à la fois de maître spirituel et de chef politique de la Diaspora) : il traduit la Bible et écrit ses propres commentaires en arabe. Les grands philosophes musulmans du Moyen Âge, Avicenne et Averroès, précèdent le fameux aristotélicien, médecin et rabbin juif Maimonide (1135-1204). La philosophie juive acquiert avec lui ses lettres de noblesse et pénètre, par le biais d'Aristote, le domaine de La Halakhah, l'observance de la Loi devenant elle-même philosophique. Moïse est considéré comme le maître de Socrate, de Platon et d'Aristote, car la philosophie trace la route, mais la Bible reste le guide. Au-delà de la progression morale et intellectuelle du philosophe demeure le passage mystique où connaissance et amour ne font plus qu'un pour le prophète. Maimonide inspirera toute la théologie médiévale chrétienne et musulmane.La pensée mystiqueLa mystique juive, représentée par les esséniens dans l'Antiquité, est quant à elle le fruit de la rencontre avec les idées religieuses d'Iran et les « mystères » grecs inspirés de Pythagore. Elle prendra toute sa force durant le Moyen Âge, et particulièrement dans les communautés ashkénazes de l'est de l'Europe. Le mouvement de la kabbale, mystique et philosophique à la fois, affirme alors que les lettres de l'alphabet hébreu, puis plus précisément de la Torah, constituent le fondement et l'architecture du monde. L'extase et la prière silencieuse se placent à l'apogée d'une pensée mystique, et non plus à l'extrême d'un chemin philosophique aristotélicien. La kabbale est en effet de grande antiquité, mais son maître livre, le Zohar, est composé par Moïse de León dans la seconde moitié du XIIIe s.Parmi les écoles mystiques juives des XVIe et XVIIe s. ressort l'importance des idées philosophiques du Maharal de Prague. Ce théologien, se fondant sur La Haggadah talmudique, la philosophie médiévale et la kabbale, préfigure même la dialectique hégélienne. L'opposition entre l'homme, libre et savant, et le Dieu absolu se résout en une existence d'effort vers la réconciliation à travers les étapes de la Loi, de l'Exil et du rassemblement final sur la terre d'Israël. Plus généralement, le grand courant spiritualiste juif nommé hassidisme reprend vigueur aux XIIe et XIIIe s. en Rhénanie et se déploie en Pologne au XVIIIe s. Il présente l'exemple étonnant d'un mouvement mystique massif et populaire continu du XVIIIe s. à nos jours. Animé d'abord par un homme du peuple, le Besht, le hassidisme associe une solide doctrine éthique et un amour enthousiaste de la mélodie, du chant et de la danse. Il considère le babil d'un nourrisson, la musique d'un berger au cœur pur ou l'héroïsme d'un voleur exposant sa vie pour un morceau de pain comme des actes mystiques plus forts que les prières de notables. Il exige une réforme individuelle intérieure et immédiate. Le hassidisme, soulevant les foules, est certes responsable de superstitions et de supercheries, de cultes de la personnalité et d'un fanatisme certain à l'égard des Lumières juives. Mais, avec le biblique livre de Job, il est la source de la philosophie de Franz Rosenzweig, de l'existentialisme de Martin Buber et même de la pensée de Kafka. L'inquiétude éternelle d'un rabbi Nahman de Bratslav, grande figure du hassidisme, rêveur et conteur, nostalgique de la Terre sainte sans jamais pouvoir s'y installer, n'annonce-t-elle pas Kafka ? La Renaissance échappe aux penseurs juifs élaborant ces vastes systèmes mystiques. Isolé, le philosophe Spinoza est excommunié pour ses idées proches de celles de Descartes. Son œuvre recèle pourtant des thèmes de la philosophie juive médiévale, l'immanence de Dieu, le salut par un amour et une connaissance du divin inséparables, et la supériorité de la joie sur la tristesse. La problématique née de la coexistence de la rationalité de la loi et du mysticisme de l'amour est exacerbée à cette époque, ce qui entraîne le rejet de la Raison incarnée par Spinoza. Mais La Haskala du XVIIIe s. et la « science du judaïsme » allemande du XIXe s. vont renverser la situation.La philosophie juive des LumièresSeuls les bouleversements sociologiques et l'ouverture du ghetto, à la fin du XVIIIe s., font renouer la pensée juive avec la philosophie hébraïque antique et médiévale, et c'est encore à travers une personnalité solitaire : Moses Mendelssohn. Comme Philon le grec et Saadia le Babylonien, il reprend l'œuvre de dialogue en traduisant la Bible en allemand. La communication philosophique s'ouvre chaque fois que l'exclusion, la persécution et le ghetto sont dépassés, à Alexandrie et à Babylone, en Espagne musulmane puis au siècle des Lumières. Esprit philosophique au sens du XVIIIe s., c'est-à-dire engagé, Mendelssohn mène une lutte infatigable pour l'émancipation politique et sociale des Juifs. Ses idéaux triompheront en France grâce à Mirabeau, son admirateur. Son ami Lessing, lui-même juif et maître spirituel de l'Aufklärung (les Lumières allemandes, traduites par Haskala en hébreu), immortalise Mendelssohn sous la figure de « Nathan le Sage » dans sa célèbre pièce de théâtre. S'il est un philosophe intransigeant, Mendelssohn est également un juif impénitent au sens religieux du terme. Ses thèmes sont, en effet, l'immortalité, le monothéisme d'un Dieu personnel et créateur, et la définition du judaïsme comme « législation révélée ». Ce dernier point permet de voir en lui un précurseur d'Emmanuel Kant : sa juxtaposition d'une liberté de pensée et d'un conformisme moral pour l'action rappelle effectivement celle de la raison pure et de la raison pratique chez le plus grand des philosophes classiques. L'admirable équilibre de Mendelssohn, juif et allemand, mais se faisant des ennemis de ces deux côtés, nul autre ne le maintiendra. Nombre de ses disciples se convertiront au christianisme et la philosophie écrite par les Juifs du XIXe s. reproduit les idées de Hegel, perdant l'originalité du judaïsme dans l'assimilation à la pensée et à la langue allemandes. Quelques philosophes moralistes, Samuel David Luzzatto et Moritz Lazarus entre autres, approfondissent pourtant, à la suite de Mendelssohn, une philosophie où s'unissent l'universalité de la Loi révélée et la particularité de l'acte moral, ou mitsva en hébreu, impérativement ordonné à l'homme juif. Un humanisme purement laïque et qui se veut universel prend fréquemment le dessus chez les penseurs d'origine juive, que ce soit Marx, le spiritualiste Henri Bergson, le phénoménologue Husserl ou le père de la sociologie, Émile Durkheim. Un mouvement de pensée tout aussi désacralisée, mais authentiquement juive, prend cependant racine : l'auteur du premier ouvrage sioniste, paru en 1862, Moses Hess, le « rabbin communiste », ne fut-il pas le maître à penser de Marx ?Coupure et renouveau philosophique du XXe s.Le tournant irréversible, fondateur du sionisme, est la détérioration violente de la condition juive, qui marque le passage au XXe s. Les pogroms se multiplient en Europe orientale et l'Europe occidentale connaît les calomnies et les menaces de l'affaire Dreyfus. Le génocide de 6 millions de Juifs par les nazis surenchérit ensuite sur ces sinistres préludes. Le sionisme se développe alors selon deux tendances, l'une athée et marxiste (représentée par Ber Borochov), et l'autre religieuse. Proche de la pensée de Rosenzweig, cette dernière s'épanouit dans la philosophie sioniste de Martin Buber. Aaron David Gordon, le patriarche du premier des kibboutzim, puis le rabbin Abraham Isaac Kook dans l'État d'Israël conçoivent une idéologie religieuse fondée sur le terme hébreu avoda, qui signifie tout à la fois travail et prière – si loin du mot « travail » français, qui dérive de « torture » en latin. Tout acte profane prend dès lors un sens religieux sur la terre d'Israël. La communauté juive américaine, à l'abri des conflits politiques, pour la première fois dans l'histoire du peuple juif, n'en est pas moins divisée en cette fin de siècle en trois tendances religieuses rivales : traditionaliste, libérale et conservatrice. Le penseur Mordecai Kaplan tente brillamment de les dépasser vers plus d'universalité. Il existe actuellement en France une école de pensée juive très vivante, intégrée dans les universités nationales de Paris et de Strasbourg, dont la réflexion porte avant tout sur l'éthique. Emmanuel Levinas (auteur de Difficile Liberté, 1962) en est l'illustre représentant. Le génocide de la Seconde Guerre mondiale a bouleversé non seulement l'histoire mais aussi la philosophie, confrontée au problème éthique et métaphysique du mal. Les penseurs purement laïques d'origine juive poursuivent ce faisant, en toute indépendance, leur œuvre. Et s'il arrive de retrouver chez eux quelques idées puisées au sein du judaïsme, cela ne nuit en rien à l'universalité de leur pensée. Ainsi, Sigmund Freud lui-même s'est intéressé à ce thème dans Moïse et le monothéisme, son dernier ouvrage, où il interprète la tradition juive à travers la méthode psychanalytique dont il est le fondateur. Les courants de pensée exclusivement juifs, quant à eux, jouissent actuellement d'un grand dynamisme. La pensée mystique, inspirée de la kabbale et du hassidisme, a toujours un bel avenir devant elle. La création d'un État juif et les questions du monde moderne rassemblent aussi les conditions requises pour un renouveau de la pensée juridique. Et l'approche des textes par l'exégèse connaît un regain de ferveur certain depuis la Seconde Guerre mondiale.
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